Le Misainier

Pendant la première moitié du siècle, le misainier, ou canot breton à misaine, est le plus répandu des petits bateaux de pêche de Bretagne Sud. Long de 4 à 8 mètres, il embarque selon son importance un à quatre marins-pêcheurs et demeure généralement en vue des côtes. C’est un bateau robuste, rustique, économique et sa tenue à la mer est réputée. Construit le plus souvent par un homme seul, sans plan, ni calcul scientifique, ni machine, il est rapide à la voile et travaille à longueur d’année dans des parages connus pour leurs dangers. 

Sa charpente en chêne et ses bordés en sapin proviennent souvent des forêts voisines. Gréé d’un mât et d’une seule voile au tiers, la misaine, il peuple en grand nombre les ports les plus reculés : havres naturels, criques, grèves, vasières de fond de ria... Sa coque, basse sur l’eau, s’intègre admirablement au paysage marin, épousant la houle, « comme une mouette sur l’eau », disent les vieux marins. Imperturbable, l’équipage se consacre à la pêche. Témoins sensibles des scènes maritimes, les artistes (Maufra, Legout-Gérard, Cheffer, Dauchez ...) choisissent souvent leurs modèles parmi ces flottilles. 

 

Après la Seconde Guerre mondiale, la motorisation et l’abandon de la voile conduisent les marins et les charpentiers à modifier complètement les formes des bateaux de pêche. Peu de misainiers seront construits après 1950. Beaucoup trouveront refuge au fond des ports, puis seront détruits avant 1960. Victimes de la modernisation (moteurs puissants, glacières, treuils mécaniques...). Les autres naviguent au ralenti ou sont bradés à des pêcheurs amateurs. Ils connaissent alors souvent une fin rapide : leur maniement et leur entretien demandent un minimum de compétence ; l’insouciance et le désintérêt pour ces bateaux « démodés » font le reste. 

 

Il s’est heureusement trouvé quelques propriétaires passionnés pour entretenir des misainiers. 

La flottille en compte encore aujourd’hui près de cent. 

 

Ces bateaux représentent une bonne part des survivants de l’authentique voile de travail dans ce pays. Au-delà des misainiers et de leur indéniable intérêt technologique et ethnologique, c’est tout un pan de notre culture qu’on peut sauver de l’oubli : un art de vivre, de travailler et de savoir.

Aboutissement d’une longue évolution dont la dernière étape fut la suppression du grand-mât sur les canots à misaine et taille-vent, le canot-misaine est une embarcation d’une grande simplicité : un mât, une voile enverguée, une drisse, une écoute. Sur toute la côte de Belle-Ile à Douarnenez, il en existe encore beaucoup qui pourraient être restaurés et regréés. Le plan de voilure que nous reproduisons est celui du canot à misaine de Bretagne Atlantique au faîte de son évolution. Ce qui le caractérise, c’est la longueur de tête en tête importante permettant de gréer une voile unique de grande surface, et d’autre part le plan de dérive très ramassé lui donnant une manœuvrabilité obtenue ailleurs par l’usage des focs et tape-culs.